1°/ Historique
Dans sa version résultant du code Napoléon, l’article 1477 du code civil disposait : « Celui des époux qui aurait diverti ou recelé quelques effets de la communauté, est privé de sa portion dans lesdits effets ».
Le terme « effets » désignant, en général, des biens corporels est imprécis dans le code civil.
La définition que donnait POTHIER des éléments susceptibles de faire l’objet d’un recel de communauté est bien plus précise.
POTHIER écrivait dans sa Communauté d’entre homme et femme (éd. 1780, p. 307) :
« Lorsque le survivant qui était en possession des biens de communauté, a détourné quelques effets corporels, ou quelques titres de biens et droits de la communauté, et a omis malicieusement de les comprendre dans l’inventaire ; non seulement il est tenu de les rapporter lorsque le recel vient à être découvert, mais il doit être en punition de son recel, déclaré déchu de sa part dans les effets recelés, laquelle accroît aux héritiers du prédécédé.
Lorsque c’est la femme survivante qui est coupable du recel, outre cette peine, elle est privée du droit qu’ont les femmes de renoncer à la communauté, et de n’être tenue des dettes que jusqu’à concurrence de l’émolument.
Au reste on ne présume pas facilement que les omissions des choses qui n’ont pas été comprises en l’inventaire aient été malicieuses ; et lorsque la fraude n’est pas constante, on ne peut demander autre chose, sinon que les choses qu’on avait omis de comprendre dans l’inventaire y soient ajoutées. »
Le recel peut aussi résulter de la soustraction intentionnelle de la valeur d’un bien commun au préjudice de la communauté, de l’imputation de dettes personnelles ou fictives à la communauté ; nous en donnons des exemples plus bas.
Dans sa version actuelle résultant de l’article 21-VII issue de la loi n°2004-439 du 26 mai 2004 ayant ajouté un deuxième paragraphe à l’article 1477 et de l’article 10 de loi n°2009-526 du 12 mai 2009 ayant substitué le terme « détourné » au terme « diverti », l’article 1477 de code civil dispose que :
« Celui des époux qui aurait détourné ou recelé quelques effets de la communauté, est privé de sa portion dans lesdits effets.
De même, celui qui aurait dissimulé sciemment l’existence d’une dette commune doit l’assumer définitivement ».
2°/ Définition et éléments constitutifs
Concernant l’élément matériel le recel n’implique pas nécessaire un acte d’appropriation et peut résulter de tout procédé tendant à frustrer un époux de sa part de communauté (Cass. Civ. 1ère, 14 février 1966, D. 1966.474) par exemple :
- non révélation d’une récompense due à la communauté ;
- présentation d’un inventaire incomplet ;
- déclaration de valeur dérisoire ou inexistante d’un bien commun vendu quelque temps après partage à un bon prix ;
- imputation au passif de la communauté par l’un des époux d’une dette personnelle (Cass. Civ, 9 janvier 2008, Bull. civ. I. n°10) ;
- vente d’un bien de communauté nettement en dessous de sa valeur au détriment de la communauté (pour la cession d’un fonds de commerce en dessous de sa valeur au préjudice de la communauté, Cass. Civ. 14 février 1966, D. 1966. 474) ;
- constitution de dettes communes fictives avec restitution en sous-main à l’un des époux ;
- dissimulation d’une dette commune par l’un des époux à l’autre, etc.
L’élément intentionnel est caractérisé selon la Cour de Cassation dès lors qu’est ou que sont établis des faits matériels manifestant l’intention de porter atteinte à l’égalité du partage, et ceux quels que soient les moyens mis en œuvre (Cass. Civ. 1ère, 7 juillet 1982, Bull. civ. I n°255).
La qualification de recel relève de l’appréciation souveraine des juridictions.
Les règles du recel ne s’appliquent pas :
- à des détournements postérieurs à la date des effets du divorce portant sur des revenus de bien indivis (Cass. Civ. 1ère, 17 juin 2003, Bull. civ.I. n°142) ;
- aux biens acquis indivisément par des époux séparés de biens (Cass. Civ. 1ère, 19 mars 2008, Bull. civ.I. n°86) ;
- Ni à l’acquisition d’un bien par un des époux sous le régime de la participation aux acquêts, chacun d’eux ne pouvant prétendre, à la dissolution du régime, qu’à une créance de participation, ce qui exclut le recel de biens communs (Cass. Civ. 1ère, 4 mai 2011, Bull. civ.I. n°83) ;
- Ni au tiers complice d’un recel qui n’a pas la qualité de copartageant mais qui peut être tenu de réparer la conséquence de son fait fautif dans la limite de la moitié de valeur du détournement (Cass. Civ. 1ère, 26 mars 1985, Bull. civ.I. n°107 ; R.p.80) ;
Tant que l’action en recel n’est pas engagée le receleur peut se rétracter en rapportant le bien ou sa valeur à l’indivision post-communautaire, il bénéficie d’une véritable faculté de repentir.
POTHIER précisait (éd. 1780, p. 307) : « Il faut aussi pour qu’il y ait lieu aux peines de recel, que la malice ait été persévérante. Si le survivant, après avoir détourné des effets, les avait, avant aucunes poursuites, ajoutés à l’inventaire, il n’y aurait pas lieu à la peine. »
L’acte de recel pour pouvoir être poursuivi doit produire ses effets après le prononcé définitif du divorce, c’est-à-dire, à compter de la dissolution du régime matrimonial (Cass. Civ. 2ème, 5 janvier 1978, Bull. civ. II, n°8).
Il peut être déduit de faits antérieurs ou postérieurs à la dissolution de la communauté jusqu’au jour du partage (Cass. Civ. 1ère, 16 avril 2008, Bull. civ. I. n°122).
3°/ Sanctions et action en restitution
L’action en restitution pour cause de recel s’exerçait dans un délai de vingt ans à compter de la découverte du recel (Cass. Civ. 17 avril 1867, S. 1867.1.205, DP.1867.1.267). Du fait de la réforme des délais de prescription, Il faut considérer que l’action doit s’exercer dans un délai de cinq ans à compter de la découverte du recel (loi de n°2008-561 du 17 juin 2008 art. 2224 du code civil).
L’époux victime du recel devient propriétaire exclusif des biens divertis ou recelés et à droit aux fruits et revenus du produits par ces biens depuis la date de la dissolution de la communauté (Cass. Civ. 12 juin 1882, S. 1882. 1. 361, D.P. 1882.1.349) ou, si le recel a été commis postérieurement, depuis la date de l’appropriation injustifiée (Cass. Civ. 1ère, 31 octobre 2007, Bull. civ. I, n°334).
L’action en restitution, en cas de décès du conjoint receleur, peut s’exercer contre les héritiers et ayants droit (Cass. Civ. 11 novembre 1895, S. 1896.1.281, D.P. 1896. 1.44). Bien entendu, les ayants droit et héritiers du conjoint receleur peuvent exercer la faculté de repentir.
La restitution se fait en nature, le bien est attribué hors part à l’époux lésé et la valeur du bien recelé est réintégrée à la masse de calcul pour déterminer les droits de l’époux lésé dans la communauté, si le bien n’existe plus, la restitution se fait en valeur.
Lorsque le bien recelé ne se retrouve pas entre les mains de l’époux receleur, le conjoint lésé a droit non seulement à la valeur du bien recelé, mais encore à la moitié de la communauté déterminée en incluant dans l’actif la valeur de ce bien (Cass. Civ. 1ère, 20 février 1996, Bull. civ. I. n°89) méthode consacrée par la jurisprudence et suggérée par BOULANGER (Tome IX, n°988).
La Cour de Cassation précise que l’époux receleur est privé de tout droit dans l’objet diverti qui, avant même qu’il ne soit procédé aux opérations de partage, devient par l’effet même de la sanction légale la propriété privative de son conjoint (Cass. Civ. 7 octobre 1975, Bull. civ. I. n°255).
Il est indifférent que la liquidation de la communauté et que la succession du conjoint décédé soit confondues (Cass. Civ. 1ère, 12 mars 1985, Bull. Civ. I. n°93) la même règle étant applicable.
Il est aussi indifférent que l’acte de partage n’ait pas été établi ou que l’état liquidatif n’ai pas été dressé (Cass. Civ. 29 novembre 1988, J.C.P. 1989.II.21339, note SIMLER).
André COLOMER fait observer dans son « Régime matrimoniaux » (éd. Litec. 1997 p. 474 §1018), qu’il s’agit d’appliquer à l’époux coupable la « loi du Talion », en lui faisant subir l’inégalité même dont il voulait profiter.
Les époux sont également tenus d’informer leur conjoint de l’affectation des actifs communs dont ils ont disposé (Cass. Civ. 1ère, 14 février 2006 - Bull. civ. I n°66 p. 65).