Le testament est un acte unilatéral faisant l’objet d’un formalisme très précis. En effet, les règles de forme appliquées pour valider les différents types de testament énumérés dans le Code Civil s’appréhendent de manière stricte. Le testament peut ainsi être frappé de nullité en cas de non-respect d’une de ces conditions. Cependant, une jurisprudence pléthorique s’est mise en place au XIXème siècle pour déterminer l’étendue du formalisme de validité des testaments. Il est compréhensible que le formalisme du testament soit très encadré car cet acte permet, pour le testateur, d’envisager la transmission de son patrimoine à des héritiers préalablement désignés. Il semble ainsi important d’éviter toute tentative de captation de l’héritage par des personnes autres que celles désignées par le testateur dans son testament.
Le testament verbal c’est-à-dire formé dès l’affirmation par le testateur à un tiers de sa volonté d’affecter son patrimoine à une tierce personne dans l’hypothèse de son prédécès peut paraître dangereux notamment au regard du principe de sécurité juridique. Il est, en effet, complexe de vérifier la véracité des propos tenus par la personne informée des intentions du testateur. Le principe de testament verbal n’a jamais été validé, en droit positif par le législateur, contrairement aux autres formes de testaments énumérés dans le Code Civil. Ce type de testament a cependant été appliqué dans des conditions très exceptionnelles en cas notamment de force majeure ou de cas fortuit.
1°/ L’utilisation historique du testament verbal
Durant les périodes de guerre, cette pratique d’exception a parfois été utilisée. En effet, un arrêt du Parlement de Toulouse du 23 décembre 1578 en est la parfaite illustration. Cette jurisprudence indique qu’« un testament verbal par un homme qui va au combat est valable, sans formalité » . Etant précisé que « ceux qui portent les armes contre le roi ne jouissent de ce privilège. » (Dictionnaire des arrêts ou Jurisprudence des Parlemens, tome sixième). Ainsi, l’état de guerre a historiquement permis l’application du testament verbal et, dans le cadre de cette jurisprudence, sans avoir à respecter un formalisme nécessaire à sa validation.
Planiol et Ripert, dans leur « Traité de droit civil », précisent que le testament verbal ou nuncupatif qui se pratiquait dans le droit romain a été prohibé depuis l’ordonnance royale de 1735 (art 1er). Le code civil ne l’admet pas. Il ne l’interdit pas expressément.
2°/ L’état de la Jurisprudence
Les déclarations verbales que le défunt a pu faire, soit pour disposer de certains biens, soit pour modifier ou compléter un testament écrit sont sans valeur. Les héritiers ne sont obligés pas ces dispositions (Cass. Req. 15 mai 1860, D. 1860. 1.277 ; S. 1860.1.625 et Cass. Req. 19 novembre 1867, D. 1867. 1.216 ; S. 1868. 1.27). Toutefois, les auteurs ajoutent : un legs verbal, et en général, tout legs contenu dans un testament nul en la forme, peut valoir comme obligation naturelle si les héritiers exécutent la disposition (Cass. Civ. 19 décembre 1860, D. 1861. 1. 16 ; S. 1861. 1. 370 ; Cass. Req. 20 novembre 1876, D. 1878.1.376 ; Cass. Req. 10 janvier 1905, D. 1905. 1. 47 ; Besançon, 6 octobre 1905, D. 1908. 2. 330).
Plus récemment, la Cour de cassation précisait qu’un legs verbal était nul mais que le legs verbal exprimant une obligation naturelle quoique nul en la forme emporte cependant à la charge de l’héritier ou du légataire universel une obligation naturelle qui peut servir de cause à une obligation civile valable (Cass. Civ. 1ère, 27 décembre 1963, Bull. 1963. I. n°573).
Le contour étant assez imprécis, la Cour de Cassation a précisé au visa de l’article 1271 du code civil (Cass. Civ. 1ère, 22 juin 2004, Bull. 2004.I.n°180 p.149 commenté par Alain Sériaux, JCP éd. Générale 2004. II. 10165) :
« Si une disposition de dernière volonté purement verbale est nulle de plein droit, elle peut cependant, comme constituant une obligation naturelle, servir de cause à une obligation civile valable.
Pour rejeter la requête, l’arrêt attaqué retient encore qu’un testament devant être rédigé par écrit, un legs verbal est nul de plein droit et qu’en conséquence, les déclarations faites par la défunte à M. C n’ont aucune valeur juridique même si les héritiers ont donné leur accord à l’exécution du legs.
En statuant ainsi, tout en constatant l’accord des héritiers légaux à l’exécution du legs, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
Dans cette affaire, le Notaire a porté le recours devant la Cour de cassation, débouté en première instance et en appel d’une demande de délivrance d’un certificat collectif d’héritiers pour obtenir la validation des dispositions de dernières volontés de la défunte dont les légataires s’étaient engagés à exécuter les dispositions verbales.
Le commentateur fait observer que le rattachement de la règle édictée par la Cour de cassation à l’article 1271 du code civil est impropre comme la Cour de cassation l’avait déjà énoncé. L’auteur précise qu’il aurait été suffisant d’affirmer un principe non écrit de nos lois au visa de l’article 1235 du code civil et les principes relatifs à l’exécution d’une obligation naturelle. C’est l’engagement unilatéral des héritiers d’exécuter le legs verbal qui les oblige civilement à se conformer aux dispositions verbales de dernière volonté.
L'article 1235 du code civil dispose en son alinéa 2 : "la répétition n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées." L'article 1235 du code civil, s'applique, en effet, en cas d'exécution d'un legs verbal par l'héritier et empêche celui-ci et ses ayants-droits de réclamer la restitution du legs exécuté. En revanche, l'article 1235 du code civil n'est pas applicable au cas de refus d'exécution par l'héritier d'un legs verbal après que l’héritier a reconnu l'obligation naturelle et s'est engagé à l'exécuter (cas de l'arrêt du 4 janvier 2005 qui suit). L'article 1235 du code civil est devenu l'article 1302 du code civil par effet de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.
Les dispositions de l'article 1271 du code civil relatives à la novation civile ne visent pas la situation de l'engagement unilatéral pris par l'héritier d'exécuter le legs verbal du défunt. Il est donc nécessaire de se référer à un principe général du droit qui oblige l'héritier qui s'est engagé, en connaissance de cause, à exécuter un legs verbal, à le délivrer à son bénéficiaire dans le respect de la volonté du défunt. L'article 1271 du code civil est devenu l'article 1329 du code civil par effet de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.
Que faut-il entendre par " engagement unilatéral pris en connaissance de cause"?
L'héritier doit exprimer oralement ou par écrit, pour être engagé, qu'il entend se référer à l'obligation naturelle exprimée par le testateur et qu'il manifeste l'intention de s'y conformer. Il n'est pas nécessaire que l'héritier déclare qu'il sait que le legs verbal est nul de plein droit et qu'il sait qu'il doit être validé par une manifestation de volonté unilatérale pour produire les effets d'une obligation civile.
Par un arrêt du 4 janvier 2005, la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation (Bull. civ. 2005. I. n°4. p. 3, commenté par M. MEKKI dans le JCP éd. Générale, 2005. II. 10159) rejette un pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux du 13 mai 2002 qui avait décidé que :
« l’engagement pris par écrit par M. X de partager par moitié avec son frère les biens qui lui ont été légués comme héritage par leur « grand-père » a pour cause l’obligation morale, reconnue expressément dans l’acte, de respecter les volontés exprimés par leurs grands-parents. Par ce seul motif tiré de l’existence d’un legs verbal, lequel était expressément invoqué par le frère et emportait, indépendamment de tout lien de filiation avec le défunt, une obligation naturelle à la charge de M. X, servant de cause à l’obligation qu’il avait valablement souscrite, la cour d’appel, sans méconnaître le principe de la contradiction, a légalement justifié sa décision, l’engagement unilatéral pris en connaissance de cause d’exécuter une obligation naturelle. »
Dans l’espèce, l’héritier s’était engagé par écrit à donner la moitié de l’héritage, conformément au souhait verbal du défunt, à son frère puis s’était rétracté. La Cour d'appel de Bordeaux à fait droit à la demande d'exécution du legs du frère et la Cour de cassation a aprouvé la motivation de la Cour d'appel.